Le dernier livre de Yann Moix traînait sur l'étagère des nouveautés de la bibliothèque communale.
Yann Moix est loin d'être un auteur que je vénère, même si je lui reconnais un certain talent, mais je me laissais séduire par curiosité, surtout que l'animal était en proie à une vague de critiques il y a peu, voire de lynchage, pour une sombre histoire de dessins antisémites.
Au bout de quelques pages d'Orléans, je mis le bouquin de côté...je retrouvais ce que j'avais ressenti avec un ouvrage précédent du même auteur « Naissance »...Trop d'étalage de références littéraires, Moix a fait des études supérieures et il veut que cela se sache, pour qu'on l'aime enfin, merde...Lui qui crie son manque d'amour parental, lui, l'humilié, l'enfant battu et martyrisé par des parents qui veulent à tous prix faire de lui un polytechnicien, il veut nous montrer qu'il est un fils spirituel de Gide, oui Gide avant tout, mais aussi Peguy, Ponge Jarry, Heidegger, Nourissier, Proust, Daudet, Guitry et tous les autres, qu'il est un écrivain, pas un de ces petits journalistes minables qui écrivent des conneries pour faire plaisir à leur patron, et qu'il se fout des intégrales, des fonctions dérivées et des équations différentielles, même s'il tient à préciser qu'il a fait Math Spé, éh con, avant de faire Sup de Co et Science Po....Respect putain...
Moix a eu des vieux qui l'aimaient probablement pour ce qu'ils voulaient qu'il soit, pas pour ce qu'il était vraiment, une attitude assez courante, qu'on retrouve aussi chez certains conjoints.
Au moment de rendre le livre, j'ai repris cet origin story, comme on dit chez les anglo-saxons, je n'aime pas trop capituler devant un livre, et j'ai remonté Orléans à l'envers, en commençant par la fin..Pas de soucis, on peut lire Orléans, dans les deux sens, c'est une sorte de palindrome romanesque....Moix y confie toutes les humiliations année par année, qu'il a vécues en in (parents), en off (profset ensuite avec toutes les filles avec qui il s'est pris des râteaux, toutes ces bêtasses non sensibles à son romantisme et sa passion du jazz).. .Oh le pauvre Yann, comme il doit être malheureux...
Certes, ne pas s’être senti aimé enfant, ne vous quitte jamais, l'hyper solitude vous poursuit jusqu''à la mort et fait de vous un écorché vif...Mais il y a une chose qu'il ne semble pas avoir compris, l'intello, c'est que le mal aimé cherche toujours à se prouver à lui même qu'il est persécuté par les autres, comme pour hurler, vous voyez bien qu'on ne m'aime pas...et comme notre cerveau n'est pas fiable, on se fait tout un story telling pour que les autres vous détestent...C'est une machine redoutable que ces putains de connexions de neurones, qui ont tendance à prendre le chemin tracé dans les premiers mois de la vie et qui vous emmènent toujours au fond du trou, dans l'échec relationnel, et vers la marginalité...
J 'ai compris cela trop tard avec les neurosciences, Yann devrait y réfléchir...à cinquante ans, on peut encore espérer des choses...et puis un catalogue d'humiliations, même bien écrit, même si cela se vend , fait-il de lui le grand auteur qu'il voudrait être...