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Cinéma - Page 62

  • Amour, de Haneke

    amour

    Qu’est ce qui peut pousser quelqu’un à se retrouver l’après midi dans une salle de cinéma, entouré de séniors, à majorité largement féminine, pour voir un film dont on sait à l’avance qu’il va traiter de fin de vie ?

    Eh, bien je ne regrette pas…bien au contraire…pour moi,  c’est surtout un film sur cette drôle de tribu qu’est le couple…car peu importe leur histoire passée, qui semble avoir été assez bourgeoise et faite de partage passionné de la musique (tous deux sont d’anciens musiciens professionnels), ce qui semble compter ici, c’est le temps vécu et accumulé ENSEMBLE, qui fait, que lorsque survient l’épreuve, un AVC pour la femme, qui va l’handicaper de plus en plus, le couple devient seul au monde, dans la bulle cossue de l'appartement…les autres sont des étrangers, des intrus, en particulier quand ils sont des soignants, ne semblant rien comprendre à la douleur et à la déchéance…seul le mari, interprété magistralement par Trintignant, semble apte à percevoir ce que l’autre ne peut même plus dire, à cause de sa paralysie….c’est un film sur la haine, aussi, car cette aventure humaine, si forte et si incompréhensible pour l’environnement (on ne comprend l’autre qu’en vivant avec lui 24 h sur 24, et en ayant appris de lui, toute sa vie, semble dire Haneke, par amour ou pas, de gré ou de force),fait que le mari devient de plus en plus protecteur, agressif et agacé par sa fille, jaloux de l’ami qui veut prendre des nouvelles, irrité par le voisin qui veut aider, juge des pratiques de l'infirmière… Plus le huis clos devient lourd et pesant, et plus on sent que le couple s’élève…sans finalement savoir si le dernier geste du mari est un geste d’amour, de fuite face à l'insoutenable, ou de schizophrénie .

    Il y a dans ce film beaucoup de force et de justesse dans l’écriture du scénario, comme dans la scène de la gifle ; Anne refusant de s’alimenter, Georges comprend que cette dernière ne veut plus vivre. Il semble ressentir cela comme une trahison, d’ailleurs son comportement va changer, passant de la compassion à une certaine distance...ou à la folie. La scène est d’autant plus forte qu’elle est jouée par un Trintignant, que l’on imagine plus que sensible à la violence conjugale. Busnel hier, en interviewant l’acteur, a tenté une question sur ce sujet et s’est ramassé, en bon intello pédant qu’il est.

    Que veut dire AMOUR, semble nous demander le metteur en scène ? en tous cas, certainement pas ce que vous croyez et ce qu’on nous dit dans les livres ou les catéchismes….et c’est là le grand mérite du film….et quel plaisir enfin, de ré entendre la voix d’Emmanuelle Riva, la même voix, malgré l’âge, que dans le film  de Resnais « Hiroshima mon amour », un autre très grand film sur l’amour, où l’actrice interrogeait l’amant japonais : Tu n’as rien vu à Hiroshima ?, et toi, as tu vu de l'amour dans Amour ?