C’est un beau film, un film réussi, ce qui n’est pas si facile, sur la peinture et la sculpture….certes, Jean Rochefort, qui m’agace souvent, y est là, superbe, tout en finesse, en sérénité, très crédible en vieil artiste en quête de beauté, et de l’idée, qui fera l’œuvre, peut être celle de sa vie (dommage que le plâtre sensé représenter cette œuvre soit si grossier). Il doute, il cherche, il peste, il se décourage, se remotive et finit par trouver, par hasard, une pose qui le touche.
Dans une très belle séquence, s'appuyant sur une esquisse de Rembrandt, le sculpteur explique en quelques mots à la jeune femme, mais aussi aux spectateurs, tout ce qui fait la différence entre un banal croquis et un dessin exceptionnel...on se croirait en cours au Louvre ou aux Beaux arts.
C’est aussi une histoire humaine, entre un vieux monsieur et une jeune femme, entre l’artiste et son modèle, avec ses aléas, ses agacements, ses heurts, mais aussi, pleine de tendresse et de désir.
Filmé en noir et blanc, ce qui est un parti pris intelligent, l’image donne tout de suite, un ton plus adapté à ce genre de réalisation, qui souffre souvent de manipulation ratée de couleur par le chef operateur, tentant en vain de se faire aux désirs peu créatifs du metteur en scène, pour retrouver une lumière de peintre (voire le dernier film sur Renoir, par exemple).
Le scénario montre aussi bien le détachement de l’artiste, face aux événements extérieurs, le sculpteur étant plus sensible aux travaux des hommes, quels que soient leur bord politique, qu’aux engagements de ses compatriotes (le film se situe en 1943, près de la frontière espagnole)…il m’a d’ailleurs fait penser à José Maria Sert, (premier mari de la célèbre égérie du tout Paris de la Belle Epoque, Misia), ce peintre catalan, catalogué fasciste pour avoir protégé des catholiques du massacre des républicains espagnols en 36.
Maintenant, on peut trouver cela long, ennuyeux….les fauteuils craquaient dans la salle, des portables d’allumaient souvent pour regarder l’heure…mais la création, c’est long, ça ne vient pas comme ça d’un seul coup un beau matin…et le film rend bien cela…