Maurice Pialat est mort il y a dix ans….la Cinémathèque consacre à ce cinéaste inclassable une exposition, suite au don des archives et de quelques tableaux au musée de la rue de Bercy, par Sylvie Pialat, la dernière compagne du réalisateur.
Je connais très bien l'oeuvre de Pialat…c’est probablement le cinéaste que je connais le mieux et dont je me sens le plus proche…pour moi, il est d’abord un cinéaste de classe, d’une classe, la classe moyenne et populaire, contrairement à la plupart des cinéastes, qui sont issus de milieux aisés (comme par exemple Godard) et qui ont fait des études. Et ça, ça se sent dans sa manière de filmer, de diriger les acteurs, dans sa manière de vivre, portant toute son existence son sentiment d’abandon, de solitude d’enfant unique, de complexe d’autodidacte. C’est probablement cette raison qui a permis la si grande complicité entre Pialat et deux autres écorchés de l’enfance que sont Depardieu et Sandrine Bonnaire.
J’ai revu « la gueule ouverte », l’un de ses premiers long métrages, qui raconte la mort de sa mère, juste après avoir vu « Amour » de Haneke…les deux films sont excellents (même si le film de Pialat a été un énorme bide commercial dans les années 70), mais la différence d’origine des deux réalisateurs saute aux yeux…atteint dans les deux cas d’une maladie quasi identique, provoquant une longue perte des facultés physiques, on ressent chez la mère de Pialat la douleur et la joie des gens modestes, écoutant sans bouger, religieusement, à la fin d'un repas banal, de la "grande musique" sur l’électrophone, ayant toujours un peu peur de déranger ; puis pendant que le corps se dégrade rongé par le cancer, devenant presque une charge pour la famille, on sent la gêne, la fuite du père, qui va se consoler au troquet du coin et qui drague les filles dans son magasin, qu’il continue malgré tout de faire tourner pour vivre…il s’écroule à la mort de sa femme et le fils Maurice, joué par Léotard, quitte les lieux à toute allure pour échapper à des souvenirs trop douloureux.
C’est pour cela probablement que je préfère de loin toutes ses premières œuvres, de « l’enfance nue » à « la maison des bois », avec mémé, tellement proche, que j’ai l’impression de revoir ma grand-mère. Les repas, les canons que les hommes s’envoient, la manière de prendre une tasse, …les jeunes qui passent par la fenêtre dans le pavillon, etc…mille détails qui sont pour moi des madeleines de Proust…
Le documentaire ci-dessus « l’amour existe » évoque avec une certaine violence et une certaine douleur dans le commentaire, la vie en banlieue dans les années 60…
Maintenant, qu’est que Pialat raconte et dit à des jeunes générations, élevées avec des films et des séries américaines…je ne sais pas…je conseillerai donc à ceux qui ont déjà une petite connaissance des films du cinéaste de voir cette exposition, qui rend visible également ses toiles… Pialat voulait être peintre, mais il se trouvait mauvais…c’est exact que la plupart des toiles sont sans grand intérêt, mais il y en a deux ou trois qui montrent qu’il s’est peut être arrêté trop tôt…contrairement au cinéma, où le succès ne génère pas obligatoirement le meilleur, en particulier quand les budgets et les moyens deviennent plus gras, la peinture requiert du temps, beaucoup de temps…et cet homme exigeant aurait peut être pu devenir un grand artiste… mais on n’aurait pas connu ses films, et ça, c’eut été dommage.