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Jonathan Coe et son adaptation littéraire : Billy Wilder et moi

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« Contrairement aux violons et au vin, les images ne s’améliorent pas avec l’âge. Elles ne s’améliorent pas lorsqu’elles ont couvertes de toiles d’araignée ». La citation est de Billie Wilder, cinéaste aux neuf Oscars et aux multiples nominations ; elle est rapportée par le New York Times lors de son 73ème anniversaire en 1979, alors que le cinéaste est déjà sur le déclin.

C’est cette chute que raconte « Billy Wilder et moi », le dernier livre de Jonathan Coe, écrit comme un scénario, une sorte de mise en abyme de la fin d’un âge d’or du cinéma hollywoodien et de la jeunesse de la narratrice, dont la mémoire s’efface avec le temps.

Le livre démarre bien, nous retrouvons le plaisir pris avec les précédents ouvrages de Coe, quand il décrit l’Angleterre, l’atmosphère so british des intérieurs anglais, la vie bousculée des familles, les parfums de fours à tourbe du whisky Laphroaig déjà cité dans ses anciens bouquins, l’amour de l’auteur pour la France et pour ses fromages à pate molle…Dans cette période de confinement où tout nous manque, Coe nous embarque dès les premières pages, dans son univers, et nous fait rêver…malheureusement, ce bonheur disparaît au fil des pages, laissant place à une sorte de banal travail d’historien.

Car le personnage principal du roman, inventé pour l’occasion comme fil conducteur au livre, Calista, une grecque mondialisée, qui écrit des musiques de films, finit par agacer, manquant totalement d’épaisseur…

C’est pourtant cette Calista, qui va remonter aux années 70, pour évoquer le difficile tournage de Fédora, film crépusculaire de Billie Wilder, l’un des plus grands metteurs en scène américains, mis sur la touche par Hollywood vers sa fin de carrière, qui juge le réalisateur dépassé, avec une production vieillotte, bien trop académique, n’ayant pas su prendre le train de la Nouvelle Vague, avec des intrigues trop convenues, des dialogues trop écrits et des méthodes de réalisation ringardisées.

Le livre est très documenté, racontant de nombreux détails sur ce long métrage difficile à accoucher. Fédora, sorti en 1978, sera distribué près d’un an après son montage final, puis assassiné par la critique américaine, dont le New York Times. On découvre par exemple, Marthe Keller, héroïne du film, jouant le rôle d’une star qui veut cacher son âge, ses colères, ses caprices, liés à son agacement, quand Wilder attend d’elle un jeu précis, écrit d’avance au mot près, qu’elle a du mal à interpréter, avec des scènes, qu’il faut beaucoup recommencer, générant beaucoup de mauvaise humeur sur le plateau.

Puis on pénètre dans les secrets plus intimes du réalisateur juif, né en Autriche, émigré aux Etats Unis pour fuir le nazisme, qui se fait financer son film par des fonds allemands détournes du fisc, vu que les Etats Unis ont refusé de le soutenir, ne croyant plus en lui, estimant que son style est démodé.

En conclusion, si le livre est intéressant du point de vue du récit de l’histoire du cinéma et des dernières années de Wilder avec son co scénariste Iz Diamond, il perd de son charme par la pauvreté de « l’adaptation » littéraire, avec des personnages de fiction mal ficelés, comme si Jonathan Coe s’était laissé happer par son enquête, au détriment de ce qui fait tout son talent, son art de la description, son humour et son originalité de l’écriture.

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