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  • Un peu d'H. Arendt et de Dostoïevski pour se remettre les idées en place

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    En ce matin d’élection marqué surtout par la désillusion, la résignation, la déception, la peur de Poutine, exprimées par une majorité d’électeurs, un peu d’Hannah Arendt à propos de la liberté, et de Dostoïevski, à propos de l’égalité, pour se remettre les idées en place.

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    La Constitution de 1791 demeura un morceau de papier plus digne d’intérêt pour les savants et les spécialistes que pour le peuple.

    Ce que les hommes de lettres avaient en commun avec les pauvres, avant toute compassion pour les souffrances de ceux-ci et indépendamment d’elle, c’était précisément l’obscurité, en ce sens que la sphère publique leur était invisible et que leur manquait l’espace public où ils auraient pu eux-mêmes devenir visibles et être de quelque importance. Ce qui les distinguait des pauvres, c’était qu’ils s’étaient vu offrir de par leur naissance ou les circonstances, le succédané social de l’importance politique qu’est la considération, et leur mérite personnel résidait dans le refus de s’installer sur les « terres de la considération », préférant l’isolement et l’obscurité de leur vie privée, où ils pouvaient au moins nourrir leur passion pour la considération et la liberté. Assurément, cet amour passionné de la liberté pour elle-même, pour le seul « plaisir de pouvoir parler, agir, respirer » ne peut naitre que là où les hommes sont déjà libres, au sens où ils n’ont pas de maître.

    Hannah Arendt De la révolution La quête du bonheur

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    Ecoutez, nous soulèverons la Russie. Vous ne croyez pas que nous puissions le faire ? Nous provoquerons de tels troubles, une telle agitation que tout croulera.

    Chacun appartient à tous et tous appartiennent à chacun. Tous les hommes sont esclaves et égaux dans l’esclavage ; dans les cas extrêmes, on a recours à la calomnie et au meurtre ; mais le principal, c’est que tous sont égaux. Avant tout, on abaisse le niveau de l’instruction, des sciences et des talents. Le niveau élevé n’est accessible qu’aux talents : donc, pas de talents. Les hommes de talent s’emparent toujours du pouvoir et deviennent des despotes. Ils ne peuvent faire autrement ; ils ont toujours fait plus de tort que de bien. Il faudra les bannir ou les mettre à mort. Les esclaves doivent être égaux. Sans despotisme, il n’y a jamais eu encore ni liberté, ni égalité. Or l’égalité doit régner dans le troupeau

    La seule chose qui manque au monde, c’est l’obéissance. La soif d’instruction est déjà une soif aristocratique. A peine laisse-t-on s’installer la famille ou l’amour, que nait aussitôt le désir de la propriété. Nous tuerons ce désir : nous développerons l’ivrognerie, la calomnie, la délation : nous plongerons les hommes dans une débauche inouïe, nous détruirons dans l’œuf tout génie. Tous seront réduits au même dénominateur : égalité absolue.

    Les esclaves doivent avoir des maitres. Obéissance complète, dépersonnalisation absolue. L’ennui est un sentiment aristocratique. Nous pénétrerons au plus profond du peuple. Savez-vous que nous sommes déjà terriblement forts ? Non seulement, ceux qui égorgent et incendient travaillent pour nous, ceux qui manient le revolver à la manière classique ou bien les enragés qui se mettent à mordre travaillent pour nous.Je n’admets rien sans discipline. Je suis un gredin et non un socialiste.

    Le maitre d’école qui se moque avec les enfants de leur Dieu et de leur berceau est des nôtres. L’avocat qui défend un meurtrier cultivé, en indiquant qu’il est plus instruit que ses victimes et se trouvait dans l’obligation de tuer pour se procurer de l’argent, celui-là est des nôtres…etc…

    Dostoïevski. Les démons (les possédés). Deuxième partie, Chapitre VIII.

     

    Image : Novaya Gazeta Europe