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  • De Cadou à la Legion d'honneur...

    Hier n’était pas seulement le 1er jour de l’année, c’était aussi le jour des décorations…Parmi les 691 « méritants », Jack Lang et Pierre Bergé ….un peu d’histoire :

    Pierre Bergé, qui a, au moins, le mérite d’être un homme de grande vraie culture (il fut dans sa jeunesse amant du peintre  Bernard Buffet, et vendeur de bouquins anciens, cette passion pour les arts ne date pas d'hier) et de grande énergie, pas un de ses manants qui passe sa vie à biberonner à l’Etat Providence avec pour tout horizon, les soirées télé devant Thalassa, n’était pas dans les années 70, selon plusieurs biographes, particulièrement un homme de gauche, préférant VGE et Raymond Barre : gout des belles choses et du luxe, passion des affaires, amour de l’art et des livres (il vendra avec Sotheby’s fin 2015 sa prestigieuse bibliothèque, constituée uniquement d’œuvres en première édition originale, dont de belles pépites de Saint Augustin à Shakespeare, en passant par Pouchkine, Proust, etc…)…hormis la réussite Yves Saint Laurent, qui sans lui, n’aurait probablement pas connu son succès planétaire, on doit à Bergé le rachat du restaurant haut de gamme Prunier (spécialiste des caviars), du théâtre de l’Athénée, puis du Groupe de presse Le Monde, le plus important du pays, une paille….je passe sur son engagement pour la cause homosexuelle (la création du journal Tétu, il est cofondateur du sidaction, etc…)…bref, on peut sans lui faire injure, dire que la valeur Liberté, dans tous les domaines, semble davantage compter pour lui dans les faits que l’égalité…

    En 1980, pour tenter de faire revenir le couturier mal dans sa peau dans son espace, Bergé achète avec Saint Laurent, un atelier d’artiste dans une palmeraie à Marrakech, le Jardin Majorelle, qui avait appartenu jadis au célèbre fils de l'ébéniste art Nouveau de Nancy (ville bien connue de Lang), où se dérouleront toutes sortes de fêtes souvent orgiaques comme on l’a vu dans les deux films consacrés à YSL l’année passée, dont certaines non montrées dans les films, font polémique…il suffit de saisir « bergé lang majorelle » dans Google, pour trouver une floraison d’articles tous plus glauques les uns que les autres, sur lesquels je n’ai aucun commentaire à faire  (je n’y étais pas, j'ignore donc où est la vérité, je ne sais si c'est vrai ou faux)…

    Donc, quand la gauche est arrivée au pouvoir en 81, c’était la panique dans la petite coterie du monde de la mode, comme le raconte la journaliste Alicia Drake, de Lagerfeld à Saint Laurent, qui avait déjà quitté Bergé, pour vivre sa vie de folie, de drogue et de déprime, avec Betty Catroux et Lou de La Falaise….

    Pourtant, parce que la mariée était trop belle, mais aussi, (pourquoi douter), pour des raisons affectives, Pierre Bergé continua sans relâche de vendre YSL, ce qui l’amena à rencontrer Mitterrand dans un de ses diners mondain, comme on en fait du côté des puissants, même si on ne partage pas les mêmes convictions..la conversation vira sur la littérature et Bergé voulant peut être coincer Tonton, évoqua un poète breton peu connu à cette époque (il n’avait pas encore donné son nom à une multitude de récents collèges et lycées), fils d’enseignant comme lui, René Guy Cadou, un nostalgique de la terre et des bonnes odeurs de l’enfance :
    La vieille classe de mon père / Pleine de guêpes écrasées /Sentait l’encre, le bois, la craie/Et ces merveilleuses poussières /Amassées par tout un été.…
    mais Tonton scotcha l’homme d’affaire en récitant de mémoire plusieurs textes du breton, qui n'a pas écrit que des choses légères…

    Un seul un homme
     Et rien que lui
    Sans pipe sans rien
    Un homme
    Dans la nuit un homme sans rien
    Quelque chose comme une âme sans son chien
    La pluie
    La pluie et l’homme
    La nuit un homme qui va
    Et pas un chien
    Pas une carriole
    Une flaque
    Une flaque de nuit
    Un homme.

    Il en résulta une longue complicité, les deux hommes se retrouvant régulièrement à l’Assiette, une brasserie très cuisine de terroir, du XIV arrondissement, où ils devisaient sur Zola et autres sujets plus concrets, et qui fit que Mitterrand confia à Bergé la Présidence en 1988 de l’Opéra de Paris…

    Bergé fut décoré de la Légion d’Honneur par Lang en 1985, puis élevé au grade de Commandeur en 1993 par Tonton, avant d’être élevé au grade de Grand Officier hier par Hollande, tout comme Lang, qui, lui n’est encore, qu’officier…

    On comprend que Piketty, qui pensait avoir convaincu Hollande de mettre en œuvre une grande réforme fiscale, et qui entre 2012 et aujourd’hui, a fait le tour du monde pour rencontrer les plus grands économistes et hommes politiques de la planète, prenant du coup des épaules et de la dimension (je ne me suis pas gêné pour le critiquer allégrement à l’époque de son engagement auprès de Ségolène Royal et je salue son courage aujourd’hui, car bonsoir les crédits de recherche s’il en attendait, mais on ne sait jamais tout, il a peut être mieux à faire ailleurs qu'en France), ne se sente pas bien avec ce petit monde socialiste qui est plus à l’aise pour taxer les classes moyennes supérieures  (« ah, ce peuple de loosers, qui n’ira pas dans la rue, pas assez de couilles »), que les grandes fortunes qui progressent plus vite que l'inflation, au quotidien plus que très éloigné, du sans-dent gauchiste de base (Bergé est multimillionnaire et est un expert pour profiter des avantages fiscaux sur les œuvres d’art, mais il dira toujours qu'il a créé de l'emploi et ramené un paquet de devises à la France, l'argument qui tue et relègue les thèses politiques et universitaires de droite ou de gauche, à peau de chagrin).