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  • Et tu n'es pas revenu - Le livre de Marceline Loridan-Ivens

     Je m'intéresse à Marceline Loridan-Ivens depuis plus de dix ans...à l'époque, on m'avait offert un DVD, contenant un film réalisé dans les années 60, par Jean Rouch et d'Edgar Morin...une espèce de grande enquête sur la France de cette époque là...il y avait dans ce documentaire, une petite bonne femme d'une trentaine d'années avec une grosse touffe de cheveux roux sur la tête, qui tendait son micro aux passants pour leur demander s'ils étaient heureux...elle avait quelque chose de magnétique, qui m'a poussé à chercher son nom au générique, mais on ne trouvait pas grand chose sur internet, si ce n'est qu'elle était devenue réalisatrice de documentaires...dans le bonus enregistré quarante ans plus tard, elle déclarait qu'il n'y a pas de différence de nature entre la vie et les camps, mais une différence de degrés...puis, j'ai laissé cela au fond de ma mémoire, jusqu'à ce que j'entende à la radio cette même femme reparler de ce film et présenter « Ma vie Balagan », son bouquin précédent également très poignant racontant son histoire.

     Il y a huit jours, est sorti un autre livre, qui revient sur cet épisode de la déportation, et la perte de son père Shloïme, tant aimé à Auschwitz Birkenau (ne mets pas de trait d'union, il y avait trois kms entre les deux camps, et être trié pour aller vers l'un ou l'autre ne menait pas à la même issue, raconte avec vivacité Marceline, séparée par les allemands de son père à l'arrivée « Toi à Auschwitz, moi à Birkenau »).

     Le livre est poignant, parce qu'il est terrifiant d'humanité et de vérité...Marceline a compris, comme Robert Antelme (L'espèce humaine) à son retour, que la majorité n'était pas prête à entendre et à comprendre vraiment ce qui s'était passé...Marceline s'est senti murée dans une sorte de prison virtuelle et de marginalité, qui l'éloigne du monde, au point qu'à la fin du livre, elle se demande avec une copine, si cela valait vraiment le coup de revenir...quant au partage et à l'amitié, elle a le sentiment qu'il faut aller jusqu'au bout de l'horreur pour rencontrer de vraies amitiés.

     Pourtant, bien sûr qu'on l'écoute, mais de là à percevoir son regard à jamais meurtri, sur la nature humaine, cette forme d'horreur et de peur qui lui fait dire que la bête et la barbarie sont toujours là au fond de chacun d'entre nous, et que bien sûr, cela peut recommencer, même si cela prend une autre forme...les hommes seraient-ils trop optimistes sur eux mêmes ?

     N'allez pas croire qu'elle est triste, et que son livre n'est qu'un amas de plaintes...c'est tout l'inverse, sa vie a été riche, elle a connu de nombreux intellectuels et a parcouru la planète plusieurs fois... mais aller à Pitchipoï, comme on dit aux enfants en yiddish, n'est pas qu'un voyage vers un pays enchanté, c'était aussi comme cela que l'on parlait de la fin au gaz, là las, car elle nous raconte aussi le langage des camps, comme « aller au Mexique » ou « au Canada »...elle vit cette femme, peut être plus que d'autres qui se croient bien cultivés et bien lucides, elle vit malgré tout, car on peut vivre en étant pessimiste au fond de soi, en restant curieux de tout, juste pour voir, peut être, parce que ça vaut quand même le coup, pour ne rien regretter le dernier Grand Soir...

     

    A lire d'urgence...ça vaut bien plus que tous les discours à la con sur la citoyenneté...