Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 335

  • Le grec qui fait trembler l'Europe

    yanis.jpg

     

    Le Guardian publie ce jour un extrait d’une conférence que Yanis Varoufakis a fait à Zagreb en 2013.

     Je vais essayer ici de vous en donner les grandes lignes.

     Yanis rappelle son parcours. Fils d’un père chimiste métallurgiste chef d’entreprise,  qu’il a vu confronté avec le progrès technologique (qu’il compare avec nos défis actuels en informatique), il a d’abord eu un doctorat en 1982, qui l’a amené à étudier Marx. Même s’il considère que Marx s’est trompé, en particulier pour avoir utilisé un peu les mêmes outils mathématiques que les économistes, il lui reconnait une remise en cause profonde du système capitaliste, grâce à sa sensibilité plus importante à la condition sociale des travailleurs. Cette remise en cause porte sur le marché de l’offre et de la demande.
    Comme il prend un exemple en évoquant le marchandage, je vais à mon tour essayer d’illustrer cette remarque très pertinente.  Quand j’étais touriste en Afrique du Nord dans l’un de mes voyages passés, j’ai compris que le marchandage, pratiqué dans les souks au grand plaisir des touristes, (en fait la relation entre un vendeur et un client, comme dans le capitalisme cher à Adam Smith) était toujours un contrat de dupe, un jeu très pervers, où les producteurs sont toujours les perdants. Imaginons un marchand de tapis, qu’une femme dans un village a mis 200 heures à tisser, qui propose le produit  à 1000 euros. à un prospect. Si on négocie dur et bien, et qu’au final, j’achète le tapis 500 euros, le vendeur va garder sa commission intacte, mais va diminuer considérablement le salaire de la femme qui a fait le tapis, répercutant toute la remise sur les gains du plus faible, expliquant à ses employés que le prochain coup, il essaiera de vendre plus cher, sauf qu’en général, s’il vend plus cher, il ne dira rien et gardera tout pour lui (surtout dans ces pays très machistes.  En outre, dans l’économie enseignée dans les Emirats, on introduit une base religieuse pour tenter de moraliser le système, quitte à être assez injuste et totalement autocrate, avec ceux qui ne sont pas musulmans, comme les juifs et les chrétiens, qu’on encourage à dépouiller, justifiant la démarche par une forme de revanche).

     J’ai connu en travaillant le même problème. Quand un concurrent, pour rentrer sur un marché, faisait des cadeaux démentiels, c’était toujours la production qui trinquait, si on s’alignait.  Tout artisan connait cela. Si un plombier vous fait une remise importante parce qu’il n’a pas de boulot pour son ouvrier, c’est ce dernier au final qui sera le dindon (plus de prime, voire un chantage à la baisse de salaire ou au licenciement après avoir fait le job)…idem pour un Dassault, si on fait un gros rabais pour vendre les Rafales, c’est toujours le bout de la chaîne qui va morfler.

     Mais revenons à Yanis. Il dénonce donc les bases du capitalisme, basé pour lui, sur des algorithmes de prévision calculés sur des référentiels dits standards (comme les tarifs de réparation chez un concessionnaire auto) , et sur des concepts qui méconnaissent les conditions des travailleurs, un système fait en fait pour ceux qui font des transactions, au détriment des salariés et du travail.

     

    tchatcher.jpg

    Ensuite, il évoque son séjour en Angleterre en 1978, quand il était étudiant et que Tchatcher est arrivée au pouvoir, qui a mis en place une politique néo libérale à grands coups de tours de vis. Même s’il sait que Lénine à dit « Les choses doivent s’aggraver avant de s’améliorer", il a observé en UK la souffrance des travailleurs quand la PM imposait de la rigueur, de la flexibilité et de l’austérité, et il a vu ensuite, avec le temps, que leurs conditions ne s’amélioraient jamais, alors que la croissance profitait aux plus riches. Il a observé également l’évolution de la gauche en Angleterre et à Sydney, quand il a été consultant pour un politique de gauche, qu’il a vu se perdre,  jusqu’à l’ère Blair, un stéréotype de l’antisocial socialiste, qui a conçu un programme sur des bases capitalistes, suivi ensuite par toutes les gauches européennes, qui ne sont en fait que du capitalisme d’état plus ou moins adapté, où les dirigeants de gauche reproduisent les mêmes modèles que ceux de droite, s’en mettant plein les poches sur le dos du peuple. Car dans le socialisme actuel, on ne remet jamais en cause les bases du modèle. Notre travailleur du privé (en France, on ménage un peu les travailleurs du public sur le plan sécuritaire, même si l’austérité financière imposée aux Administrations est une forme de souffrance, on le voit avec les salaires de ceux qui ne sont pas Hauts Fonctionnaires, les fonctionnaires de base et les retraités, qui  deviennent en fait des variables d'ajustement ) est toujours le dindon de la farce et les impôts massifs sont surtout payés par ces mêmes travailleurs privés et publics des classes moyennes, qui ont épargné toute leur vie.

     A ce sujet, je fais une digression. Il est intéressant de voir, que Mathieu Pégasse, actionnaire du Premier  Groupe de presse français et dirigeant de la banque Lazare, un bel exemple d'apparatchik de type soviétique relooké à la sauce socialiste française, conseille le grec Yanis, en se faisant payer très cher. Ce n’est pas demain à mon avis, que nos journalistes qui se croient libre, révéleront le montant exorbitants des honoraires facturés par le rocker également patron des Inrocks au Gouvernement Grec. On est de gauche, mais on encaisse….quitte à donner des conseils qui sont en complète contradiction avec Sapin pour faire annuler la dette, tout en étant copain de Hollande, qui joue sur tous les tableaux comme d’habitude….

     Pour en finir avec le ministre grec des finances,  on peut comprendre qu’il ne veuille pas appliquer à son pays des recettes à la Tchatcher (d’où la difficulté à s’entendre sur un compromis avec ses partenaires, qui veulent lui dicter un catalogue de réformes), mais en même temps, il reconnait qu’il n’a pas la solution et il ne veut pas planter le système, en sortant par exemple de la zone euro, car il sait que ce sont toujours les petits qui trinqueront, les banquiers et les gros s’en sortant toujours, (voir ou revoir l’excellent documentaire diffusé hier soir sur France 5)….Ce qu’il veut en fait, et la plupart de nos voisins européens reconnaissent en lui une certaine lucidité, c’est que l’Europe réfléchisse à de nouveaux modèles…Il fait pratiquement toujours la une de la presse allemande et anglo-saxonne, qui lui accordent de larges tribunes, contrairement à la presse française qui ne va pas beaucoup sur le fond.  En fait, il déstabilise pas mal les états majors, car ses remarques sont légitimes….Mais en France, la condition de nos travailleurs, les socialistes ont l’air de s’en foutre, il faut juste faire croire qu’on fait baisser les chiffres du chômage….

     Beau programme que celui du grec au crane rasé au parcours mondialisé, même si on sait qu’aujourd’hui, les moyens informatiques pourraient permettre aux responsables d’agir en toute transparence et en connaissant immédiatement les impacts de leurs décisions, mais le clientélisme fait que nos politiques et nos financiers ont encore beaucoup tendance à agir comme un marchand de tapis dans un souk à Marrakech, pour séduire leurs électeurs ou leurs actionnaires, ou le peuple grec qui a voté Syriza, qui manifeste son impatience devant le Parlement à Athènes, en commençant à douter….à suivre…

     

    politique etat,euro,grèce

     

    Illustrations du Guardian du jour