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cinema - Page 59

  • Thérèse Desqueyroux

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    « Bernard, ce garçon au regard désert, toujours inquiet de ce que les numéros des tableaux ne correspondaient pas à ceux du Baedecker (guide touristique), satisfait d’avoir vu dans le moins de temps possible ce qui était à voir, quelle facile dupe ! Il était enfermé dans son plaisir comme ces jeunes porcs charmants qu’il est drôle de regarder à travers la grille, lorsqu’ils reniflent le bonheur dans une auge. Il avait l’air pressé, affairé, sérieux : il était méthodique. Jamais une hésitation. Un soir, à Paris, où sur le chemin du retour, ils s’arrêtèrent, Bernard quitta ostensiblement un music hall dont le spectacle l’’avait choqué : « dire que des étrangers voient ça ! Quelle honte ! Et c’est la dessus qu’on nous juge ». (Extrait du roman de François Mauriac)

     

    Qui, mieux que Gilles Lellouche pouvait interpréter ce Bernard un peu trop carré, un brin violent, froid gestionnaire et soucieux de l’image de son rang….et Tautou, la mal aimée du public, à qui Amélie Poulain continue injustement de coller à la peau, est magistrale de force, de mystère et de sensualité frustrée, pour incarner Thérèse Desqueyroux, cette étrange "folle" en quête d'émancipation, inspirée à Mauriac par un fait divers, à savoir le procès d'une empoisonneuse Blanche Canaby . Certes, la réalisation est classique, académique, mais la scénarisation du roman est subtile, fine et intelligente et permet de pénétrer l’atmosphère pesante, machiste (et raciste) de cette Province bordelaise catholique bourgeoise dans les années 20, décrite également par Chardonne, un autre écrivain qui disait du couple, que c’était un curieux assemblage de deux êtres, qui ne laisse personne en repos (Chardonne a également été adapté au cinéma avec les Destinées sentimentales, d’Olivier Assayas, dans un style un peu similaire).

    Avec son dernier film, Claude Miller, décédé avant la sortie commerciale du long métrage, nous offre une œuvre superbement adaptée, (ce qui n’est pas courant dans le genre), apportant des images, des couleurs, des pins,  du physique, des corps, à un roman complètement remanié dans sa chronologie, qui a pu apparaitre un peu hermétique aux petits écoliers, comme moi, qui ont tenté de lire Mauriac, parce ce que l'âge ne vous a pas encore donné le discernement et la maturité, nécessaires pour saisir l'âme du bouquin.