Hubert Védrine, qui est un homme que je respecte beaucoup habituellement pour sa lucidité, pense que « les opinions publiques ont le sentiment (à tord probablement) que les politiques ne contrôlent rien au problèmes d’immigration »…Il ajoute que pour lui, c’est en grande partie, parce que les élites n’expliquent pas assez la différence très claire entre réfugié et migrant économique, en avançant l’idée qu’il faut essayer pour les immigrés qui ne sont pas en danger, de les faire rester dans leur pays, ces derniers devant prendre leurs responsabilités.
C’est une brillante démonstration, mais je doute beaucoup de son réalisme pour une fois.
Je cite le Guardian (quotidien britannique marqué à gauche) :
However, the stark dichotomy between “refugee” and “economic migrant” masks a growing trend: that many people coming fall between those two extremes ( la dichotomie entre migrants et réfugiés masque une tendance croissante, car beaucoup se situent entre les deux extrêmes.
Par ailleurs, je crois qu’on ne peut pas réguler grand-chose et là-dessus, je rejoins Orban, même si je doute fort de ses chiffres catastrophistes et de sa théorie d’invasion ou de déstabilisation de l’UE (même si cela reste une hypothèse possible)…Quand un jeune étudiant veut partir de Grèce, qui n’est pas en guerre, il cherche un lieu où il aura le plus de chance de réussir sa vie. Les quotas, les règles me paraissent être des parades bien bureaucratiques.
Merkel veut aider les gens en difficulté et essaie de convaincre les autres dirigeants européens, que c’est un défi au même titre que la réunification ou le redressement de l’Allemagne qui n’était pas évident, il y a dix ans, quand on ne cessait d'écrire que nos voisins étaient sur le déclin, avec des résultats assez catastrophiques. Sa position est honorable, mais elle est aussi teintée d’orgueil…et puis, comparer les phénomènes migratoires à la réunification me parait assez malhonnête intellectuellement.
Les problèmes sont bien plus complexes à résoudre, à commencer par les questions de langue, d'éducation et de culture qui n’ont rien à voir. Je me permets d’ajouter que l’insertion de l’ex RDA n’est pas une parfaite réussite, même si Mutti est un contre exemple.
Et puis, la RDA était un territoire fermé…l’immigration, on ne sait pas où cela s’arrête…difficile de faire des prévisions chiffrées crédibles. Le Guardian, d’ailleurs ce matin s’interroge beaucoup sur le rôle de la Chancelière dans la réussite allemande, attribuant ce succès autant à Schroeder, avec ses violentes réformes, et au football qu’à Mama Angela.
D'ailleurs, l'opinion change vite, y compris en Allemagne, où ce samedi soir, on commence à se demander si Merkel n'est pas la dirigeante la plus inconsciente d'Europe !!!
Bref, désolé pour Merkel ou Védrine, mais l’opinion publique n’est peut être pas si bête que cela. Je crois que seule l’Histoire nous mènera là où elle doit nous mener, et il me parait impossible de prévoir quoi que ce soit de vraisemblable. Un ingénieur ferait une matrice des risques et imaginerait des scénarii…curieusement, il semblerait qu’en politique, cette réflexion semble inabordable, sans être taxé de facho, d’égoïste ou d’idiot….
Onfray a raison sur ce point, quand on pose des questions en France, on est censuré, à commencer par ce blog (lien non publié)...Merci la gauche bien pensante !!!