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Noël 44 à Gandersheim (Camp de travail de Buchenwald en Allemagne)

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Les copains se chauffaient, s’engourdissaient. Ils étaient dans la nuit de Noêl comme dans un nuage, ils attendaient qu’elle passe. Il n’y avait rien eu d’autre que le pain et la boulette de viande hachée et rien d’autre n’allait venir.

Alors, ils ont essayé de raconter des histoires. Ils ont parlé de leurs femmes et  de leurs gosses. ../. Et c’était une drôle de soirée, un samedi soir, on s’était bien marré, les apéritifs, un bon gueuleton, des hors d’œuvre, des tranches de gigot comme ça, tout ce qu’il fallait quoi, un roquefort, un saint honoré../. L’enfer de la mémoire fonctionnait à plein../.Puis la fête s’est amortie, il n’est plus rien resté../. quelqu’un s’est mis à chanter. Il essayait de continuer de  faire sortir les types de leur estomac et de leur faire changer de figure pendant un moment. Personne ne l’a suivi, mais il a continué de chanter tout seul../. Plus que d’autres, cette nuit-là était effrayante../. j’étais vivant, il fallait le croire, dans la fumée de l’urine, sous le vide, dans l’effroi, c’était le bonheur.

C’est sans doute ainsi qu’il faut le dire, cette nuit était belle.

Robert Antelme – L’espèce humaine (Gallimard)

 
Robert Antelme, mari de Marguerite Duras, fut déporté à Buchenwald à la fin de la guerre pour raisons politiques. Vivant, mais malade, amaigri et meurtri, il revint en France avec l’aide de Mitterand. Mais M.Duras  aimait un autre homme Dionys Mascolo avec qui elle aura ensuite un enfant (Marguerite et Robert avait eu un enfant qui n’avait pas vécu).
Le retour de Robert est une grande douleur pour Marguerite qui racontera cet épisode dans l'un de ses livres.
Robert restera pour Marguerite un guide dans la vérité de l’écriture.
 
En 1947, Robert écrivit son seul livre qui est aussi l’un des plus grands livres humaniste qui soit « L’espèce humaine ». Il retrace sa captivité avec l’œil de l’homme qui veut que son témoignage ne juge pas mais relate tous les comportements, y compris ceux de ses camarades vivant cette situation d’oppression ultime, en cherchant à mieux saisir l’Homme.
Son livre est assez peu connu, le PCF de l'époque ne l'aurait pas admis et j’avais repoussé toujours à plus tard une lecture que j’imaginais très dure, mais elle est tellement humaine qu’elle traverse l’Histoire et est pleine d’enseignements  en ces temps difficiles où d’une certaine manière, l’oppression de la mondialisation fait chavirer les esprits.
 

J’ai choisi ce passage du livre qui retrace la soirée de Noël au camp, un jour comme les autres, sans ration supplémentaire…

 

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