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Les choses de la vie

En revoyant sur Arte le remarquable film de Sautet « Un cœur en hiver », dans lequel Emmanuelle Béart, exceptionnelle, travaille au violon une sonate de Ravel face à un Auteuil impénétrable, je fus pris d’une étrange sensation....comme l’impression qu’on ne peut plus faire ce genre de film en France : trop bourgeois, trop élitiste, trop subtil…maintenant, époque de synthèses et de résumés,  il faut faire simple, populaire, avec des personnages généreux, faciles à décoder, pour un peuple souverain mais rasé, réactionnaire et désabusé…

Le film date de début 90…c’est une période charnière, la chute du mur de Berlin, le deuxième septennat d’un Tonton qui marque la fin des illusions, la guerre du Golf et le début véritable de la mondialisation. C’est comme si le temps s’était arrêté là en France, une France qui aurait refusé les femmes voilées et l’accélération du temps, désormais cadencé trop rapidement, par les releases Windows, MAC OS ou Androïd….mal préparée sur les bancs poussiéreux d’une école qui ratait son égalité des chances, la génération née après 68 cherchait des strapontins sur le marché du travail, où s’accrochaient les cohortes du baby boom, qui cherchaient désespérément à retrouver dans des brocantes en expansion, les odeurs d’encriers et le toucher du buvard, bien plus sensuel que la froideur du plastique des souris naissantes, dont ils avaient du mal à maîtriser les déambulations…

Les Dossiers de l’écran allaient bientôt être définitivement remisés au placard, comme le Grand Echiquier écarté des antennes en 1989…on pénétrait dans une nouvelle ère, qui se voulait plus ludique, plus superficielle, moins prise de tête, pour bientôt voir se répandre des The Voice, des Top Chefs en série, la télé réalité avec des femelles botoxées en furie face à des garçons écervelés en combinaison fluo…

La France n’allait plus jamais s’en remettre, ses industries foutraient définitivement le camp ou perdraient des milliards, pris dans un système social trop rigide, avec des ingénieurs peu aptes à travailler ensemble, voyant se multiplier les échecs commerciaux d’automobiles, de trains ou de grands projets….on ne verrait plus jamais d’intellectuels s’engueuler sur les plateaux de télévision de Pivot ou de Polac, et l'audience du  Cercle de Minuit agoniserait doucement, on ne verrait plus que des pauvres types réciter un catéchisme  alternatif, soi disant humaniste, agitant des  livres à la pensée vaguement rosée, qui enrichiraient plus leurs auteurs que le débat planétaire, tandis qu'à  à droite, on voudrait rejouer l'Histoire, repartir avec une Europe réduite à six, menée par le binôme franco allemand, pourtant séparé depuis longtemps…malheureusement, le déclin était en marche et on ne pouvait plus l’arrêter….la France semblait prise d’Alzheimer, le présent n’imprimait plus…on resterait figé dans un passé aux contours incertains, coincé entre l'image d'un Jospin moralisant et looser, et un Chirac démagogue, coureur de jeunes filles et buveur de Coronas. La vieille gaule prenait sa retraite du monde, abordant le futur, avec fauteuils roulants et déambulateurs, offerts par une jeunesse déjà bien handicapée par la dette de ses pères...

"Au fait, bonhomme, tu peux me prendre deux places pour le prochain concert de Gainsbourg au Casino de Paris"…."une minute, pépé, je me déconnecte de Meetic et j’arrive", voilà à quoi ressemble l'hexagone aujourd'hui ….

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