L’architecture et l’urbanisme sont de merveilleuses portes d’entrées pour comprendre l’état d’esprit d’un pays et de ses habitants.
M’intéressant depuis quelques temps un peu en profondeur à l’époque de la Reconstruction après la seconde mondiale, j’aimerai mettre en avant quelques réflexions, qui peuvent nous éclairer sur ce qui nous vivons aujourd’hui.
La France d’avant 1939 avait déjà eu pas mal de difficultés à se remettre de la 1ere guerre mondiale, moins destructrice pourtant que la Seconde et celle de 1936 n’était pas très jolie à contempler…la majorité des habitants vivaient dans des conditions de grande insalubrité, avec un retard sur les autres grands pays européens du côté de l’hygiène…en Province, seul un foyer sur 10 possédait une salle de bain et les WC à la turque étaient souvent collectifs…
Nathalie Chabiland, enseignante en Ecole d’Architecture et qui a donné une série de conférences sur le sujet, rappelle que la Révolution Nationale d’un certain Maréchal a eu au moins le mérite de booster le domaine, tant sur le plan de l’organisation (Création de l’Ordre des Architectes en 1941, AFNOR reconnue d’utilité publique en 1943, Plan d’Urbanisme en 41…) que du côté de la mise en place de grands projets de reconstruction, qui seront repris ensuite par le Comité National de la Résistance.
Pourtant, les Trente Glorieuses n’ont pas été si glorieuses que cela côté Reconstruction. Claudius Petit, nommé ministre du MRU (Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme) en 1948 s’énervait en 1952 du fait que les choses n’avançaient pas très vite en France…depuis la fin de la guerre, on avait à peine reconstruit 20 % des habitations détruites et la cadence des travaux était 10 fois inférieure à celle de nos voisins anglais et allemands, qui eux, avaient en plus, bien industrialisé le processus…
En 1954, quand l’Abbé Pierre a lancé son fameux appel, on piétinait encore beaucoup dans le pays dans les décombres, avec encore beaucoup de baraquements vétustes, des cités de transition, et j’ai connu enfant autour de 1960, des zones encore en ruine dans le Pas de Calais et à Lille (derrière la gare)…En 1960, il n'y avait pas d'eau courante à 60 kms de Paris....
Certes, on parle beaucoup de Le Corbusier et de son rayonnement international, et on a fait des choses, qu’on sait mettre en avant dans les journées du Patrimoine, mais promenez vous dans des rues dans des villes fortement impactées par les bombardements, comme Boulogne sur mer, détruite à 85 %, et vous pouvez encore d’un coup d’œil retrouver ce qui était détruit et qu’on a reconstruit à la hâte et qui ne devrait plus être là aujourd’hui (je ne parle pas des buildings A,B,C,D d'inspiration corbuséenne)…par ailleurs, la Cité du Chemin Vert à Boulogne, qui fut il y a 70 ans une cité de transition, est d'après les statistiques de l'INSEE publiés il y a 4 jours l'une des plus défavorisée de France, malgré toutes les études, les plans, la visite de François Hollande....la cité où vivait Ribeyri est à pratiquement 50 % de chômage....elle fait pourtant l'attention du soi disant meilleur cabinet d'architecte spécialisé dans ce domaine (réputation très gaucho..)
Je trouve cela terrible…10 ans après la fin de la guerre, Claudius Petit, encore lui, trouvait qu’on passait trop de temps à recenser les besoins, qu’on avait trop tendance à parlementer et à faire des enquêtes sociologiques, qu’on préférait souvent rénover plutôt que ce de créer…et l'argent servira surtout à la guerre d'Indochine puis d'Algérie (on fut par contre leader mondial pour le combat en territoire musulman avec roquette tirée par hélicoptère et on a exporté nos méthodes musclées de "renseignement", on ne peut pas tout faire)...et nos grands ensembles d'après guerre deviendront les ghettos évoqués par Manuel Valls...
Jean Nouvel ce matin dans le Figaro, livre sa colère, trouvant que les architectes sont peu pris en compte, égratignant au passage Fleur Pellerin et estimant qu’on est en train de créer en France une génération de bâtiments sacrifiés, avec des millions de personnes qui auront à en souffrir….
Terrible…car voilà bien un domaine qui pourrait donner un peu d’espoir aux jeunes français !!!!
Photo prise par l'auteur (la Philharmonie de Paris)