Ce très beau documentaire nous raconte l’histoire de Gilles Caron, photographe, disparu en 1970 au Cambodge, alors qu’il était en reportage.

En fait, « Histoire d’un regard » est plutôt une analyse très fouillée du travail de Caron durant les trois dernières années de sa trop courte carrière, qui va aboutir à une approche très pointue du regard qu’il portait sur ceux qu’il fixait dans ses instantanés, lui, qui à vingt ans, effectue son service militaire comme appelé dans les parachutistes, pendant la Guerre d’Algérie, devenant témoin malgré lui et malgré son refus de combattre, d’horreurs au quotidien.

La réalisatrice, Mariana Otero, qui elle-même a perdu sa mère jeune, va effectuer un travail titanesque, qui va être de reconstituer parfois minute par minute, le cheminement physique, puis de plus en plus mental, du photographe, en partant de ses bobines et de planches contacts de 100 000 clichés.

C’est ce parcours passionnant qui est raconté à l’écran ; il débute en 68, lorsque Caron va saisir Cohn Bendit toisant un CRS, puis se poursuivre en Israël, en s’aidant d’un historien et de cartes de Jérusalem (Guerre des six jours), au Biafra, au Vietnam, en Irlande du Nord, au Tchad, avant de se terminer au Cambodge.

Je trouve que l’approche de la réalisatrice est vraiment digne d’éloges, car quel hommage, que d’essayer de comprendre un regard, en tentant de percevoir la démarche d’un homme, probablement souvent inconsciente, à travers une enquête minutieuse, sans aucun voyeurisme, sur ses clichés successifs d’une scène de guerre.

Plus encore qu’une excellente leçon de photographie…une belle histoire d’amour.