En me réveillant ce matin à cinq heures, mon esprit m’a mené vers Poutine et vers cet article de l’Equipe, qui dressait hier un portrait assez glacial du Maître du Kremlin : Enfance difficile à Leningrad, une ville marquée par ses deux millions de morts durant la Seconde Guerre Mondiale, avec un père membre d’un Bataillon de Sabotage des Services secrets soviétiques infiltré derrière les bases ennemies en Estonie, une mère qui souffre de la famine au point d’être considérée un temps comme morte, et un frère, Viktor, qui périra d’ailleurs de la diphtérie, Vladimir a grandi dans un appartement communautaire ; il est décrit comme ayant eu très jeune des troubles de relation sociale, un personnage marginal, chétif et renfermé, qui devra sa respectabilité à un maître du sambo, une technique de combat d’origine russe, qui permet de tuer et qui façonnera chez lui, une personnalité dure, portée sur l’effort, la persévérance, la manière de renverser l’énergie des plus forts que lui pour la mettre à son service.
L’article rapporte que Poutine fut classé comme autiste asperger par le Pentagone en 2008.
J’ai grandi avec difficulté moi aussi, dans une ville communiste, où l’on nous montrait à l’école des films de propagande soviétique, une banlieue qui était peut être la plus rouge de France à l’époque, avec des dirigeants qui étaient à la botte totale de l’URSS, comme l’ont dévoilé les archives du Parti Communiste, et j’avoue avoir été fasciné en me rendant en Russie en voyage au début des années 2000, fasciné par les bâtiments austères du KGB à St Petersbourg, par le Bolchoi, l’Ermitage, fasciné par la Place Rouge, avec le mausolée de Lénine, fasciné par le Kremlin, une ville fortifiée avec sa cathédrale Verkhospasskaia et son immense Palais des Congrès, fasciné par les fontaines de sang en mémoire des millions de morts du communisme, fasciné depuis toujours aussi par la littérature et la culture russe, que j’ai souvent dévoré.
Très tôt ce matin, j’ai sorti de ma bibliothèque « La fin de l’homme rouge », un ouvrage de Svetlana Alexievitch, née en Ukraine à peine plus âgée que Poutine, de ma génération, Prix Nobel en 2015, qui décrit longuement des témoignages de centaines de voix brisées, de ceux qui ont souffert dans les Goulags, mais aussi cru à cette grande aventure folle que fut l’Union Soviétique.
La première page comporte la citation suivante, qui me semble d’actualité :
« Nous ne devons pas oublier que ceux qui sont responsables du triomphe du mal dans le monde, ce ne sont pas ses exécutants aveugles, mais les esprits clairvoyants qui servent le bien »
Alors que les miracles de la technologie et des traducteurs automatiques m’ont permis hier et ce matin, de suivre les informations données par les médias ukrainiens et russes comme Delo, 24htv, l’agence Tass, ou quatre autres dont je ne sais pas écrire le nom, avec leurs lots de mensonges, de recommandations sanitaires, d'appel à la mobilisation générale, de peur de la coupure internet, des attaques cybers ou de la manipulation qui marche bon train, rapportant des nouvelles angoissantes ou sordides du Dombass, où les russes obligent les hommes à s’engager à leurs côtés pour combattre, de Kiev, encerclé par les militaires, ou de la centrale de Tchernobyl qui serait tombée aux mains des russes , pouvant répandre dans l’atmosphère, sur ordre de son chef, un nuage fatal, mon esprit revient toujours à Poutine, marqué par Staline plus que Lénine. L’agence Tass signalait hier que Gorbatchev venait de reconnaître sa responsabilité dans l’effondrement de l’URSS…Étonnant non ?
Décrit comme un homme sans affect, isolé, paranoïaque, je pense à l’enfant humilié de la rue Baskov, hypersensible peut être, blessé à vie par la violence des hommes (la psychiatrie a tendance à normaliser des états, sans en percevoir vraiment les rouages), à celui qui a passé son existence à observer la noirceur de l’âme humaine, avec ses trahisons, ses fuites, ses revirements, ses circuits neuronaux complexes qui génèrent une pensée souvent discontinue bien plus trouble que ce qu’on perçoit, un Poutine qui mieux que personne connait les grands de ce monde, et dénonce l’hypocrisie de nos démocraties, avec ses dirigeants qui instrumentalisent tout ce qu’ils font, pour se maintenir au pouvoir, et qui a entre ses mains, les moyens de faire péter la planète dans un geste quasi messianique…
On ne porte jamais assez attention aux blessures de l’enfance, du manque d’amour, de la solitude des hommes et de leurs espoirs perdus…. Poutine nous rappelle mieux que les neurosciences, que l’humain est capable de tout, que personne ne comprend jamais l’Autre, et que la réalité peut s’interpréter de mille façons…
« Mais de nos jours, il est difficile de parler d’amour »…C’est la dernière phrase du livre d’Alexievitch