La peur, la peur par amour maladif des siens…dans ce film troublant, Curtis, un américain moyen, père de famille, bon professionnel, est en proie à des peurs…peur d’un cyclone qui le poussera à se ruiner pour construire un abri, persuadé que ses intuitions de tornade à venir ne le tromperont pas, mais aussi peur de l’accident, peur de pollutions meurtrières, peur d'un moment de rage de son chien, peur de soi et des autres, peur de ne pas être compris, peur pour son enfant tant aimé…mais dans Take Shelter, on évoque aussi les problèmes universels de nos sociétés modernes, si générateurs d'angoisse, comme le manque d'argent, le chomage, la perte de la maitrise, le handicap, l’inégalité devant la maladie... la santé depend de « bonnes mutuelles », ainsi une opération délicate de la petite fille est seulement envisageable si la couverture financière par une assurance est possible...la guérison est affaire de gros sous et de compétence, et le réalisateur semble douter des psys, surtout ceux des dispensaires, qui ne savent pas faire grand chose d’autre que de faire parler le patient, de tout et n'importe quoi, quitte à reprendre tout à zéro lorsque le « thérapeute » est remplacé par un collègue, comme si on traitait un dossier administratif quelconque….il faut se ruiner pour avoir affaire à une médecine digne de ce nom...et faire des choix douleureux sur le plan familial.
Le climat est presque toujours oppressant, par le montage hitchcoquien, avec des plans de films catastrophe et grâce à une bande son assez flippante…film donc sur la schizophrénie, les troubles hallucinatoires communicatifs (trouble délirant induit), comme le prouve la dernière scène que je ne dévoilerai pas…délire, perte des repères (qui pousse un homme à ne pas voir les mêmes dangers que ses contemporains) ou ressenti exacerbé ? où sont les limites de la perception, du partage et de la responsabilité dans un couple, c’est bien là toute la question….une question très humaine, traitée de manière très humaine…avec un habillage très hollywoodien.