Se faire une place en France, sans souffrir, entre la gauche et la droite, ce n’est pas facile. Tout est permis en France, sauf la liberté de parole.Ainsi s’exprimait dans ses correspondances à Paul Morand en 1959, l’écrivain Jacques Chardonne, qui ajoutait
Les français veulent être glorieux sans frais, la sécurité a tué la France. Have their cake et eat it, comme disent les anglais.
Jacques Chardonne (grand ami intime de Mitterrand), qui sentait le souffre depuis la II guerre mondiale pour avoir soutenu l’Allemagne, travaillait beaucoup, lisait sans relâche, dormant peu ; malgré son classement à droite,il rendait grâce à Jaurès pour sa vue équitable sur les gens et se désespérait des catholiques et de Mauriac, qui appelaient à l’unité, derrière De Gaulle, alors que le pays s’appauvrissait dans une guerre meurtrière en Algérie qui coûtait un milliard par jour, une guerre, dont les plaies ne sont toujours pas pansées aujourd’hui (pour une fois, je suis d’accord avec Caroline Forest, qui remercie l’Algérie d’avoir perdu contre l’Allemagne, nous évitant de tous finir à l’asile) …
Ah les catholiques…mon voisin, qui commence à mal supporter mes chroniques, m’a glissé tout à l’heure dans ma boite aux lettres, un numéro de la Vie Catholique de février 2014 qui titrait en couverture « quand les débats de société nous rendent hystériques, restons calme », avec à l’intérieur un long interview d’un soi disant expert politologue, qui appelait au consensus...et au fond, au silence dans les rangs…si nous voulons débattre, soyons sans passion, soyons positif, etc..…
En retournant à Chardonne, je rappelle que ce dernier jugeait que la France était toujours en 58 majoritairement pétainiste dans la tête, (les meilleurs soutiens de De Gaulle, disait-il, mais il ne fallait pas le dire) souhaitant laisser le temps au temps, en appelant à laisser faire la Providence…étonnant ce réflexe janséniste, qu’on retrouve chez Hollande, qui voudrait qu’il y ait des élus et des réprouvés (la gauche et ses belles personnes) et qu’il viendra bien un moment où l’avenir sera serein….à quoi servirait alors l’effort de toute une vie, si tout est joué d’avance…une étonnante manière chrétienne à la française, de refuser le conflit dans les difficultés (voir la position majoritaire de l’Eglise en 1939), en se plaçant toujours au dessus, comme si, pour ne pas se tromper, il ne fallait pas prendre le risque d’être humain…pourtant, ces appels à l’unité ressemblent à une posture, qui permet en profondeur de changer notre destin à notre insu, comme si nous devions passer à tout prix, sous le rouleau compresseur de l’égalité....en laissant faire les élites, sans broncher.
PS, Aubry, Hollande, France, UMP, Sarkozy - Page 274
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Tot est permis en France, sauf la liberté de parole