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mémoire

  • A mes grands pères

    Je travaille sur la mémoire de mes deux grands pères, tous deux réservistes, appelés à faire la Grande Guerre, pendant près de cinq ans (leur libération a eu lieu en 1919 et non le 12 novembre, comme on pourrait croire). Ils ont survécu tous les deux, l’un est devenu Chef Comptable, après avoir connu l’horreur entre Saint Mihiel et Verdun, au tout début des affrontements, avec sa compagnie du Génie, chargée en particulier de démolir et de reconstruire des ponts sur la Meuse, tentant de survivre dans le grand désordre de cette portion de terre si meurtrière, évoquée par Maurice Genevoix dans « Ceux de 14 ». Début 1940, c’est naturellement à Pétain que mon grand père fit confiance, celui qui avait mis un peu d’humanité dans la vie des poilus, parce qu’il ne voulait pas que son fils, âgé de vingt ans, revive ce qu’il avait vécu. Il est mort en 1947 et je termine un document audio-visuel sur son épopée fin 1914, tourné en partie sur les lieux.

    L’autre, ouvrier dans le Pas de Calais, est décédé en 1957 à 69 ans, après avoir été versé en 1919, dans la Compagnie des Chemins de Fer du Nord, comme chauffeur mécanicien. Je l’ai un peu connu et j’ai le souvenir d’un homme un peu rustre, toujours prêt à travailler, d’une grande résistance physique. D’après ma mère, il possédait cette forme de fierté ouvrière, très virile, ayant conservé un grand sens du devoir, attaché à la patrie, qui considérait que la vie était un combat permanent et qui n’aimait pas ces syndiqués qui combattent les patrons en faisant la grève. Peu croyant, il laissait l’Eglise aux femmes et se méfiait des curés, avec leurs beaux sermons, leur appel au sacrifice et leur vénération de la souffrance. Il a traversé la seconde guerre mondiale, à Boulogne sur mer, bombardé plus de 400 fois par les alliés. Je lui dédie ce modeste film, que j’ai réalisé en enquêtant sur sa jeunesse et sa vie, une vie à laquelle nos corps ne nous permettraient probablement plus de résister (conditions de travail avec chaleur et pollution avec des journées de 10 h, sous alimentation de deux guerres, froid, intempéries, et vingt ans en plein vent par tous les temps, à conduire une locomotive à vapeur).