Il y a dans ce récit, pas toujours très soigné sur le plan du style (visiblement, ce n’est pas le problème de cet éditeur écrivain, dans ce bouquin sûrement écrit assez rapidement), quelque chose qui me rappelle 9,99, le premier bouquin de Beigbeider, une sorte de cynisme de gauche, qui nous replonge dans la grande époque mitterrandienne.
Canal 4, devenu Canal +, en ôtant la barre oblique, est donc né de cette jeune éminence à l'époque, ex sociologue, plus ou moins proche de Attali (dont il se méfie comme de la peste), qui le soir du 10 mai 81, se trouvait là il le fallait, (dans le bon restau à la Bastille, où les entrées étaient filtrées...comme cela rappelle l'autre au Fouquet's), avec qui il le fallait, pour faire parti du bateau Havas, le grande agence publicitaire, prise d’assaut par les gauchos (caviar), une sorte de « boiler room » du pouvoir socialiste.
Léo Scheer nous raconte l’épopée, partie de la vacance du 819 lignes, qui fut loin d’être gagnée d’avance, pour créer une nouvelle chaine cinéma, tant il fallait ruser pour échapper à l’idéaliste affamé d'empreinte Lang, qui voulait en faire une chaîne culturelle pour se faire mousser, tant il fallait trouver le bon compromis pour résister aux pressions des producteurs de films, qui voyaient dans la chaine, un dangereux concurrent qui allait détruire notre belle industrie cinématographique française.
On suit la recherche de solutions techniques, vu qu’une chaine cryptée par voie hertzienne, paraissait être une folie aux spécialistes américains, contactés pour leur expertise, qui ne croyaient qu’au câble, comment il a fallu inventer un décodeur, ni trop usine à gaz pour pouvoir déconnecter les mauvais payeurs, ni trop simpliste pour ne pas être facilement piraté. On suit les réunions, les mouvements hostiles du reste de l’agence, qui ne voulait pas du projet, préférant déployer son énergie pour contrôler la Presse Quotidienne Régionale, et on assiste au difficile accouchement d’une chaine ciné-sports, où l’esprit Canal n’est qu’un emballage, comme le rapporte l’auteur, qui ne semble pas porter les De Greef et autres Guignols, dans son cœur : «il ne faut pas oublier que les programmes en clair furent imposés par les pouvoirs publics de gauche, craignant que leurs électeurs leur reprochent d’avoir offert aux français une télévision pour les riches. Ce programme, visible par tous, est devenu une sorte d’emballage cosmétique, servant à la prospection du client pour lui vendre le véritable produit, qui ne ressemble en rien à l’emballage : du cinéma, des séries, du sport. C’est l’équivalent en télévision de ce que représente le flacon dans le vente d’un parfum » L’esprit Canal, pour Léo Scheer, n’étant qu’une signature, un bel argument commercial, pour faire signer des pigeons, qui sont prêts à payer, avant même de connaitre véritablement le produit. Et hop….Léo Scheer nous rappellera par ailleurs, que la gauche, tout comme aujourd’hui, est souvent bien plus libérale que la droite, mais libérale libertaire, une gauche qui sait merveilleusement jouer la comédie démocratique, en donnant à des consommateurs électeurs assoiffés de changement, d'égalité, de justice sociale, des slogans genre "j'aime pas les riches" pour vendre sa soupe et installer la "petite coterie parisienne qui se croit subversive" (comme dirait Onfray).