La bande annonce de « Hors Normes » ne me donnait pas envie, et je n’avais pas trop aimé les Intouchables des mêmes réalisateurs…et puis, mon fils qui a vu Hors Normes, a su trouver les arguments pour me convaincre d’aller le voir. Ajoutons à cela que je suis senti touché par l’émission religieuse juive de dimanche dernier, qu’on peut revoir en replay sur France 2, superbe d’humanité, qui était consacrée à Stephane Benhamou, le créateur du « Silence des Justes », qui est incarné par Vincent Cassel dans le film et dont est fortement inspirée l’histoire.
On est proche du documentaire, tout en suivant quelques personnages clés, qui vont aider à comprendre la démarche de ces deux associations (la seconde est d’origine musulmane, Daoud Tatou est un éducateur qui travaille également avec des autistes pour les « Oiseaux du Paradis », son rôle est interprété par Reda Kateb, l’acteur révélé par le Prophète ; il vit à Montreuil, clin d’œil à mes origines).
On est là avec des autistes sévères, ceux dont les institutions et l’Administration, ne veulent pas, mais que paradoxalement, les hôpitaux, un peu largués avec leurs méthodes, leurs protocoles et leur pharmacologie, adressent à ces associations qui fonctionnent de bric et de broc, sans respecter normes et règles, mais qui consacrent leurs vies à cette forme de schizophrénie, pour des raisons qui les regardent, avec une tonne de patience et de véritable empathie. Il ne s’agit en rien de charité ou de dévouement chrétien, il s’agit de chercher à faire un peu exister l’Autre.
Encadrer des autistes ne s’apprend pas seulement à l’université (surtout qu’on est loin de tout savoir sur le cerveau), il faut surtout tenter de sentir ce que veut dire celui qui communique autrement et dont la manière d’être n’est pas tout à fait câblée comme la norme majoritaire statistiquement. Souvent cassés par le système français, qui veut tout médicaliser et où les psychanalystes ont fait un mal terrible, en faisant croire à des parents perdus, que les théories de Lacan pouvaient mener ces personnes (je ne parle pas de malade) vers une pseudo intégration, les autistes ont du mal à trouver leur place, l’autisme identifié comme tel, rappelons le, il y a plus d’un siècle en Allemagne, étant loin d’avoir livré tous ses secrets d'un part et d'être compris d'autre part, par le plus grand nombre (dont le personnel médical et social).
Le film est violent dans son propos, il doit l’être, et il a sûrement le mérite d’arriver à un bon moment, où la faillite du système médical éclate et où le public est plus attentif qu’autrefois à l’autisme, vu les chiffres qui sont avancés (des centaines de milliers de cas).
Une scène à la fin du film, m’a particulièrement ému, quand ces jeunes tentent de sortir de leur enfermement par le théâtre, car j’avais monté un projet de documentaire il y a vingt cinq ans sur le sujet, juste avant de fermer ma boite d’audiovisuel, avec la Compagnie de l’Oiseau Mouche à Roubaix, qui faisait jouer des textes d’Antonin Artaud, par des autistes, et avec une autre association de Lyon, dont j’ai oublié le nom….J’ai perdu mon temps, mon argent, ma motivation (je n’ai pas eu la foi de Benhamou, qui a débuté à cette époque), en me faisant repousser par les chaines de TV, Arte en tête, qui me prenaient pour un doux dingue, me répétant inlassablement qu’il n’y avait pas d’audience pour un tel thème….
Je vais citer en conclusion Benhamou, qui disait en fin de l’émission de dimanche « A l’origine » : un lien avec un enfant autiste est un lien avec l’âme humaine, et ils nous apprennent tout simplement à nous dire à nous, que tous nos soucis, tout ce qui est matériel, cela ne vaut rien par rapport à une incapacité à communiquer, ils nous révèlent la plus grande souffrance que peut avoir un être humain, qui est celle de ne pas pouvoir dire à un autre être humain, quelque chose qu’on ressent très fort et qu’on ne pourra jamais lui dire.
Image Stéphane Benhamou dans A l'origine