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  • Vendre la peau de l'ours

    J’ai retrouvé dans un grenier un recueil des Fables de la Fontaine (Editions Armand Colin 1921). J’ai sélectionné « l’ours et les deux compagnons» dont le vers final est assez connu :

    Deux compagnons, pressés d’argent,
    A leur voisin fourreur vendirent
    La peau d’un Ours encore vivant,
    Mais qu’ils tueraient bientôt, du moins à ce qu’ils dirent.
    C’était le roi des ours, au compte de ces gens.
    Le marchand à sa peau, devait faire fortune
    Elle garantirait des froids les plus cuisants ;
    On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu’une,
    Dindenaut prisait moins ses moutons qu’eux leur ours ;
    Leur, à leur compte, et non à celui de la bête
    S’offrant de la livrer, au plus tard dans deux jours,
    Ils conviennent de prix, et se mettent en quête,
    Trouvant l’Ours qui s’avance et vient vers eux au trot, 
    Voilà mes gens frappés comme d’un coup de foudre, 
    Le marché ne tint pas : il fallut le résoudre
    D’intérêts contre l’Ours on n’en dit pas un mot.
    L’un des deux compagnons grimpe au faite d’un arbre,
    L’autre plus froid que n’est un marbre,
    Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent
    Ayant quelque part oui dire
    Que l’Ours s’acharne peu souvent
    Sur un corps ni ne vit, ne meurt, ni ne respire,
    Seigneur Ours, comme un Sot donna dans ce panneau ;
    Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
    Et de peur de supercherie,
    Le tourne, le retourne, approche son museau ;
    Flaire aux passages de l’haleine.
    « C’est, dit-il, un cadavre ; ôtons-nous, car il sent »
    A ces mots, l’Ours s’en va dans la forêt prochaine.
    L’un de nos deux marchands de son arbre descend,
    Court à son compagnon, lui dit que c’est merveille
    Qu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal
    « Eh bien, ajouta t-il, la peau de l’animal ?
    Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?
    Car il s’approchait de bien près, 
    Te retournant avec sa serre ?
    - Il m’a dit qu’il ne faut jamais
    Vendre la peau de l’Ours qu’on ne l’ait mis par terre »