Il y a deux règles dans l’audiovisuel moderne, auxquelles je me suis souvent opposé : le montage rapide, et l’émotion le plus souvent possible, l’obsession d’un réalisateur, quelque soit le support (aujourd'hui tout est numérique) étant de « perdre » ses spectateurs.
Par exemple, en vidéo, les magazines d’investigation sur notre chaine publique, en particulier ceux produits par Delahousse et Lucet, atteignent des sommets dans le domaine du "produit" haché, une sorte de clip à dévorer comme un hamburger…c’est l’art de faire dire ce que l’auteur veut dire par les autres, en ne gardant souvent qu’un sujet, un verbe et parfois un complément…désolé, mais je préfère encore la voix off, même si on me dit que c’est ringard.
Par ailleurs, si je filme une rue vide, je ne génère pas grand-chose chez le spectateur…si j’ajoute une ambulance garée devant une maison, avec sur la bande son des hurlements de femme qui semblent provenir de l'intérieur du local, je crée une émotion....c'est bien, mais c'est aussi la porte ouverte à toutes les manipulations.
Xavier Dolan, le tout jeune réalisateur canadien, joue et rejoue de ces deux ingrédients. On passe sans cesse de l’hystérie du gamin au fou rire de la mère, des bégaiements de la voisine à la violence verbale de l’adolescent, dans une sorte de purée mixant amour et haine de 2H15…certes, on ne s’ennuie pas et l’émotion dégouline, pour ce portrait intimiste d’une mère tentant de survivre avec son fils hyper actif et plus que caractériel…ajoutons pour être juste, que ce couple improbable, fait en même temps grandir une voisine coincée dans un traumatisme, dont on ignorera l’origine…c’est ce qui m’a à l’évidence le plus intéressé dans ce film....néanmoins pour être honnête, j'avoue être complètement tombé sous le charme de la comédienne Suzanne Clement qui incarne la voisine (voir photo ci-dessus), une merveilleuse actrice....
D'autre part, Mommy est souvent projeté en format carré (mais le format de l’image change quand l’horizon s’ouvre), un format pour lequel en plus je n’ai pas beaucoup d’attirance (genre Ida), car j'ai toujours l'impression qu'il m'en manque un morceau.
Difficile de le classer ce Mommy, mi comédie, mi drame, dont je dirai quand même que c’est le côté dramatique qui l’emporte, l'idée directrice semblant être "quand c'est mal parti dans la vie, c'est sans retour, même s'il peut y avoir des parenthèses heureuses, mais ne nous faisons pas d'illusion, quand la barque est pourrie, la traversée sera toujours chaotique, voire tragique"
Bon, pour finir, j’avoue quitte à passer pour un sauvage, que je sature un peu de ce cinéma social…en ouverture, avant Mommy, le cinéma où j’étais, a projeté successivement les bandes annonces de « Chante ton bac d’abord », « Une nouvelle amie », le dernier film d’Ozon, et « Bande de filles »…après on dira «tiens, c’est drôle, la France est dépressive »…tu m’étonnes, Charles…dans le bordel où on est, ce ne sont pas de tels films qui vont te sortir de la grisaille et te remonter le moral.