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goncourt

  • J'ai lu Pas pleurer de Lydie Salvayre

    C’est un Goncourt, ce qui sous la plume de mon clavier, n’est pas un super compliment…

    Car on est en France, et en France, il faut surtout jouer avec la belle langue et si en prime, on décrit un enthousiasme révolutionnaire (ici la guerre d’Espagne), la libération des petites gens opprimés par les riches et le choix du fascisme par une Eglise toujours prioritairement soucieuse de la sauvegarde de son institution et de ses dorures, c’est bon pour le ticket gagnant au dessert chez Drouant, après la terrine de gibiers aux truffes et foie gras, la crème de marron à la poule faisane, le bar poché, le perdreau gris…ouh, on comprend qu’il faut vite en finir après un tel repas et couronner l’abolition  des privilèges, remettez-moi donc un peu de champagne grand cru, mon cher Pivot, il est excellent ce breuvage…

    Donc, la petite mère Salvayre, fille de républicains espagnols, a puisé dans son histoire familiale, en ajoutant une pincée de Bernanos, comme pour cautionner son roman, pour montrer que même un vrai chrétien ne peut que condamner les crimes franquistes (bon ingrédient pour un prix littéraire) et les autres monstruosités qui ont eu lieu. On rappelle que Bernanos écrivit un roman sur le sujet, dans une période de vache maigre, ayant décidé de rejoindre l’Espagne en 1934, où la vie était moins chère qu’en France et en poussant son fils à s’engager du côté des phalangistes, ce que l’écrivain français, pas très visionnaire, va vite regretter.

    Je me suis fais prendre par l’ennui dans « Pas pleurer », car elle délaye la salsa, la Lydie, elle délire presque, y colle tout, y compris Malraux, le beau séducteur français qui pourrait avoir engrossé l’héroïne….elle y va, l’écrivaine, en remet une couche sur la libération des femmes coincées par la messe le dimanche, puis encore une autre sur l’espoir déçu des bons ouvriers, et ainsi de suite, on boit, on fume, on baise, c’est le pied la révolution, même si elle ne cache pas que ça tourne vite vinaigre, que l’on découvre que communistes et libertaires se détestent, que le grand bluff libérateur se révèle aussi poison que le catéchisme castrateur et qu’au final, l’Espagne se transforme en un peuple d’ombres où triomphent la peur et la haine de l’autre…
    Je précise pour qui aurait oublié ou ne saurait pas, que lors de ce soulèvement du peuple espagnol, face à l’arrivée au pouvoir de Franco, qui certes ne faisait pas dans la dentelle pour laminer tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un opposant, les anarchistes et autres excités du POUM et  de la Confederacion del Trabejo, ont massacré près de 7000 membres du clergé, des bourgeois et des petits patrons en Catalogne, violant au passage religieuses et brulant vif de braves curés de campagne qui n’étaient coupable que de dire la messe chaque matin, au point que Léon Blum, contre l’avis de son camp de gauchos du Front Popu, choisisse de s’aligner sur une ligne non interventionniste, refusant d’aider de manière officielle les républicains de la péninsule ibérique… Révolution et Terreur sont deux mots qui vont si bien ensemble….

     Il faut lire « le Temps de Franco » de Michel del Castillo, très complet, relatant les motivations profondes de cette époque, avec beaucoup d’objectivité, qui va beaucoup plus loin  que le livre de la petite française qui pour moi, se laisse  trop prendre par le romanesque et la forme….je lui reconnais toutefois un mérite, celui de montrer que l’engagement pour une cause, quelle qu’elle soit, peut mener au chaos et que rouge, or ou noir, toute idéologie politique peut réveiller la monstruosité qui sommeille au fond de chaque être humain.

     Si vous vous intéressez à l’Espagne, lisez « Anatomie d’un instant », un livre remarquable de Javier Cercas, qui s’intéresse à un coup d’état manqué le 23 février 1981, analysant de manière chirurgicale la période post franquiste, avec ses tentatives  de retour de la dictature et cernant le mal qui rode toujours de tous côtés : chacun ses bonnes intentions, comme dirait l’autre.

    Non, le grand truc de Lydie Salvayre, c’est le fragnol, un mélange de français et d’espagnol, comme no os arrodilleis ante nadie qui tombe comme un cheveu dans l’olla, c’est comme ça toutes les trois lignes, c’est aussi l’art de ne pas terminer ses phrases,
    en coupant les
    (retour charriot) et de faire des collages, mélangeant passé, présent, Bernanos et récit de la vieille maman qui perd la mémoire, une recette déjà utilisée entre autres, par un ancien Goncourt en 2000, Jean Jacques Schuhl..

    Bon, tu as compris de ce que tu dois faire pour te faire publier : tu soignes le style, tu fais dans l’émotion, l’agitprop, sans oublier de placer des grands noms de la littérature française, car il faut faire cossu sans trop prendre la tête des lecteurs, fatigués par leur dure condition de travailleur, peu aptes à se concentrer longtemps, les yeux rougis par les heures passées sur leur Iphone…

    Ah, ce Goncourt, qui consacrât Houellebecq pour son plus mauvais roman, dire que chaque année je me fais piéger, car à de rares exceptions, que de déceptions…la palme, c’était quand même Weyergans avec son « Trois jours chez ma mère », un récit de la crise existentielle de l’auteur qui « n’arrivait plus à écrire » , du vide de chez vide…
    Finalement, le Goncourt ça ressemble au beaujolais nouveau, on se dit chaque année que ce n’est pas terrible, que ça ne casse pas les briques, que c’est de la piquette sans grande saveur pour gogol, mais on y revient toujours, en se faisant prendre par les arguments de vente des journalistes et du monde de l’édition. Non, j’aurai préféré qu’on décore Emmanuel Carrère, mais son bouquin n’était surement pas assez grand public…. les interrogations sur Jésus (encore un dangereux révolutionnaire ?) et sur la foi qui plombe une vie, pas assez laïc, on va choquer les barbus et réveiller les anti mariage gay…pas possible sous Hollande, et puis, tu comprends, c’est la crise chez les libraires, alors faut faire du chiffre et le soulèvement du peuple contre les puissants, ça tire le chaland vers la gondole….n’est ce pas cher ami, un délice cette tatin de coings glace vanille.